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Cet article de Andrei Zolotov, est paru en anglais dans la revue ECUMENICAL NEWS INTERNATIONAL (97-0062 - indiqué ENI dans le texte). Nous en publions ici une traduction française; les jugements contenus dans la première partie reflètent lopinion de lauteur, nous lavons traduite pour situer le contexte de linterview du Métropolite Vladimir.
St Pétersbourg, le 31 janvier - Il y a un an, le Métropolite Vladimir (Kotlyarov) a pris possession de son poste de chef du deuxième plus important diocèse Orthodoxe en Russie. Le diocèse du grand St Pétersbourg, capitale septentrionale de la Russie, couvre une région de 7 millions dhabitants et 400 paroisses orthodoxes.
Le prédécesseur du Métropolite Vladimir était feu le Métropolite Ioann (Snychev), qui sest montré un leader de la faction isolationniste des plus conservateurs de lÉglise Russe Orthodoxe. Le Métropolite Ioann était aussi le chef non-officiel du parti politique des nationalistes anti-démocratiques.
Sous linfluence du Métropolite Ioann, le chauvinisme a fleuri dans le diocèse. Même ses déclarations écrites différaient largement de celles publiées par le chef de lÉglise, le Patriarche Alexis II de Moscou.
Pour le Métropolite Ioann et ses nombreux adeptes, "cuménique" signifie "hérétique". Par contre, le nouveau Métropolite de St Pétersbourg a été lun de ces quelques pionniers de lcuménisme, qui ont construit des liens entre lÉglise Russe et le mouvement cuménique depuis les années 1960. Mgr Vladimir fut un des observateurs officiels au second Concile du Vatican dans les années 60 et a été le représentant officiel de lÉglise Russe au Conseil cuménique des Églises à Genève avant dêtre nommé à la tête de différents diocèses en Russie.
La première et discrète déclaration du Métropolite, âgé de 67 ans, faite à St Pétersbourg a déjà révélé une approche calme, épurée et très ouverte envers lcuménisme et les affaires publiques. Ceci a plu à beaucoup de membres de lÉglise, mais la brouillé avec les supporters de son prédécesseur.
La semaine dernière le Métropolite Vladimir de St Pétersbourg et Ladoga a accordé une interview à ENI dans ses nouveaux bureaux de la Lavra Alexandre Nevsky, centre Spirituel de St Pétersbourg. Ce monastère fut fermé par les communistes dans les années 1930. Le processus pour un retour complet de ce monastère à lÉglise fut entamé lannée dernière.
ENI: Votre Éminence, comment avez-vous géré lhéritage politique et spirituel de votre prédécesseur ? Cela vous a-t-il posé un problème ?
Métropolite Vladimir: Je nai pas essayé de corriger immédiatement cette situation. Je pense que ce serait vain, et la tâche serait impossible à accomplir dans la précipitation. Mais il y a un héritage qui demeure ici, et il est important. Il ne ma pas seulement gêné moi-même, mais cela a entravé le développement spirituel et le processus de rétablissement, en créant des obstacles sur le chemin vers une véritable vie de chrétien et de témoin du Christ. Toute politisation crée toujours des obstacles entre les gens.
On trouve continuellement des articles contre lcuménisme dans la presse locale, et je suis le premier à y être critiqué. Dautres prêtres et évêques qui ont travaillé dans le champs de lunité Chrétienne reçoivent aussi leur part de critique.
Je suis né dans la famille dun prêtre. Jai servi dans léglise toute ma vie, et maintenant je dois prouver que je suis un Chrétien Orthodoxe, que je suis un pasteur orthodoxe ! Cela est très dur - et cest ma croix - de cicatriser tout cela graduellement, dadoucir la situation, de ramener les gens au calme .
ENI : St Pétersbourg est une ville multi-confessionnelle et aux religions multiples. Il suffit de longer lavenue principale -la Perspective Nevsky- pour voir les églises Arménienne, Catholique Romaine et Luthérienne en face de la cathédrale Orthodoxe. Y-a-t-il des contacts interconfessionnels dans cette ville ?
Métropolite Vladimir: Oui, il y en a, mais ils sont très faibles. Nous sommes simplement incapables den avoir plus. Si je prends part à une rencontre interconfessionnelle, on dira que je brade lOrthodoxie.
Le mois dernier jai été invité, en compagnie du gouverneur et dautres dignitaires, à une rencontre dans un faubourgs où on posait la première pierre dun village allemand - une colonie pour les russes-allemands qui désiraient émigrer en Allemagne, mais qui ont finalement décidé de rester en Russie. Il avait été annoncé officiellement quil y aurait un office de prières célébré par lÉglise Évangélique Luthérienne. Jétais sur le point dy aller , quand jai reçu un coup de téléphone mavertissant quil y avait un rassemblement de gens qui sy rendaient avec des slogans comme "Nous ne voulons pas dAllemands", "Nous ne voulons pas de lÉglise Luthérienne". Je ne my suis pas rendu et jai envoyé un prêtre à ma place.. Plus tard il ma appelé et ma raconté quil avait eu très peur de descendre de voiture en voyant cette troupe agitée brandissant des calicots.
ENI : Comment expliqueriez-vous ce rejet populaire des relations cuméniques, pas seulement dans votre diocèse, mais parmi lÉglise Orthodoxe Russe ?
Métropolite Vladimir: Notre participation au mouvement cuménique a toujours été perçu dans différents sens. Il y a les gens qui ont compris les mots du Seigneur "Il y aura un seul troupeau, un seul pasteur" (Jn, 10:16). Et nous, pour notre part, nous avons à faire quelque chose pour hâter ce processus, de manière à ce que le troupeau sunisse. Si nous ne faisons aucun effort nous-mêmes, ce troupeau restera peut-être divisé, et ce serait une faute de simplement rester assis et dattendre que le Seigneur nous rassemble.
Nous sommes fiers davoir préservé le riche héritage de lÉglise indivise. Mais nous devrions partager cette richesse avec nos frères. Nous ne pouvons la mettre dans un sac et nous asseoir dessus et dire "Nous sommes des gens bien heureux". Certaines personnes ne comprennent pas cela, ou loublient, et disent: "Pas de contacts avec les protestants ou les catholiques romains". Tout mouvement vers lunité et toute tentative de coopération, même de nature non-théologique, est alors rejeté.
LÉglise Catholique Romaine a aussi contribué sérieusement à ce refroidissement des relations avec lOrient à cause du soutien à lUniatisme (Catholicisme de rite byzantin) qui a usé de violence contre les Orthodoxes. Ce fut le cas en Tchécoslovaquie en 1968 et en Ukraine dans les années 1990. Quand commencèrent les réformes démocratiques en Russie, ces têtes chaudes disaient que lÉglise Orthodoxe devrait se retirer à lest des Monts Oural , et que la Russie dEurope deviendrait catholique.
Tout ceci a blessé notre peuple et engendré la suspicion et le rejet de tout ce qui vient de louest.
ENI: Mais alors, pourquoi lÉglise Orthodoxe Russe reste-telle membre du Conseil des Églises ?
Métropolite Vladimir: Durant les années difficiles, quand les athéistes voulaient "rééduquer" notre peuple et les convertir à ne pas croire, nous avons cherché à entrer en contact avec nos frères. En particulier le Métropolite Nikodim, qui fut aussi archevêque de cette ville (dans les années 1960), qui était un homme très intelligent. Il a compris que si nous restions seuls derrière le rideau de fer et si nous tentions de défendre lÉglise et la Chrétienté en restant isolés, il serait très facile de nous détruire. Nous avons rejoint le Conseil Mondial des Églises pour obtenir de laide des chrétiens du monde entier. Et il y eut des circonstances où nous avons été défendus.
Quand jétais le représentant de lÉglise Orthodoxe Russe au Conseil Mondial des Églises en 1963-1964, jai parlé plusieurs fois au secrétaire général Visser t Hooft qui ma rapporté les démarches entreprises par le Conseil Mondial des Églises. A cette époque il y avait une tentative de fermer limportant monastère de Potchayev en Ukraine. Et il fut signifié aux diplomates soviétiques à Genève: "Si vous fermez le monastère de Potchayev, nous demanderons aux gouvernements du monde de boycotter vos diplomates".
Maintenant que le temps de lathéisme détat est passé, mais que tout nest pas encore réglé aussi bien que certains peuvent penser, les gens disent :"Nous ne voulons pas des chrétiens occidentaux". Il y a même beaucoup de jeunes évêques , dont on aurait pu penser quils ont été formés de façon différente, qui maintiennent une position absolument anti-cuménique.
Mais il ny a pas de logique en cette affaire. Chacun a reçu laide humanitaire de lOuest. Quand jétais évêque de Pskov (au nord-ouest de la Russie), nous avons reçu des vêtements et de la nourriture envoyés par des Luthériens allemands. Et je répétais toujours: "Si vous acceptez cette aide, pourquoi ne voulez-vous pas vous asseoir à la même table ou dire le Notre Père ensemble ?"
Il mest difficile de dire ce que cest, si cest de la peur ou du ressentiment pour les injures du passé, ou si cest le résultat de linfluence de lÉglise Orthodoxe Russe Hors-frontières (détachée de lÉglise Russe) qui aimerait compromettre le Patriarcat de Moscou par tous les moyens. Ou est-ce linfluence de toutes ces sectes qui envahissent notre pays et prêchent un faux enseignement à ce peuple qui a pratiqué le Christianisme depuis plus de 1.000 ans ... En résumé, à cause de tous ces facteurs combinés, nous devons affronter une réaction très vigoureuse contre lcuménisme et le CME.
ENI : Pensez-vous que lÉglise Orthodoxe Russe restera au Conseil Mondial des Églises ?
Métropolite Vladimir: Officiellement cette question na pas encore été discutée. Mais il est fort possible que sur cette vague de ressentiments, lÉglise doive entreprendre quelques démarches pour défendre son identité (parmi ses membres) de manière à prévenir un schisme.
ENI : Serait-il exact de dire que prévenir un nouveau schisme au sein de lÉglise Orthodoxe Russe est une priorité essentielle pour la hiérarchie ?
Métropolite Vladimir : probablement oui
ENI : Il se pourrait donc que le Patriarche, vous-même, les Métropolites Juvénal, Philarète et Cyrille -les leaders de lÉglise- tous connus pour leur expérience dans la coopération cuménique- succombent à la pression du bas et se retrouvent dans lincapacité de conduire lÉglise dans une direction quils pensent être bonne ?
Métropolite Vladimir: LÉglise est une communauté de personnes. Bien sûr un chef a une grande influence dans certains domaines. Mais cela nest pas dune importance capitale. Ce qui a réellement de limportance cest ce que pensent les gens, comment les prêtres et les évêques sorganisent pour les éduquer dans les paroisses. Et ceci est une tâche longue et difficile.
Nous navions aucune littérature, pas dinformation, nous étions isolés, et beaucoup de mythes étaient et sont encore présents dans le peuple. Cest ce qui rend très difficile de sélever et de parler clair sur certains sujets.. Un chef peut nêtre pas entendu et ses vues non acceptées.
Ce qui est clair cest quune part de la population est absolument illettrée sur un plan spirituel et non éclairée. Malheureusement ils utilisent la littérature qui nest pas publiée avec la bénédiction et dans le cadre du Patriarcat de Moscou. Ils deviennent les victimes de littérature populaire publiée par des gens sous le nom de Christianisme.
Nous devons nous rappeler que les gens ne sont pas correctement éduqués, quils se sont trouvés dans un vide spirituel, qui est
maintenant rempli sans aucun contrôle, sans filtres, et quon peut sattendre à toute sortes dinterprétations et prises de positions.
(fin de art 1)